vendredi, octobre 31, 2008

Hublot chez ManU

Puisque les temps changent, une montre de luxe, Hublot, entre dans le sanctuaire des masses laborieuses, et accède à l'intimité d'un club vénérable, le plus follement aimé, Manchester United.

L'accord porte sur un million de livres sterling par an. Concrètement, la marque installe ses enseignes dans les dédales d'Old Trafford, «le théâtre des rêves», et s'affiche au bras des stars. Service compris: huit places VIP lui seront décernées pour chaque match, quatre autres pour les déplacements à l'extérieur, en compagnie de l'équipe - même avion, même hôtel, mêmes repas.

La piété a ses raisons que la raison, en l'espèce, encourage. Jean-Claude Biver n'ignore pas l'aura de Manchester United, son destin tragique et ses grognards magnifiques, son essor phénoménal sur le marché asiatique. Le sponsoring ne consiste plus à acheter un club, mais un patrimoine affectif. Hublot profite d'une popularité immense, notamment en Asie, tandis qu'il apporte son prestige.

Dans l'industrie du luxe, Jean-Claude Biver se pose en dépuceleur de conventions, comme le premier à promulguer l'ascendance artistocratique du football. Il comprend, explique-t-il, que ce sport n'est plus seulement chanté par les ouvriers et les soiffards, ni pratiqué par d'obscurs hédonistes aux semelles crottées.

«Les joueurs sont devenus des stars, au même titre que les acteurs de cinéma. Ces gars épousent des mannequins, vivent dans des villas de rêve et roulent dans de belles bagnoles. Selon moi, le changement est intervenu en 1998, avec la France championne du monde. Du jour au lendemain, une fille dont je ne connaissais pas le nom, sortie d'un défilé pour Wonderbra, est devenue la célèbre Mme Karembeu. Dans le football, il y a la popularité mais, derrière, dans le paddock, il y a beaucoup de fric. Il y a les hélicoptères et les jolies femmes. Il y a le luxe.»

Et de schématiser: «D'une popularité horizontale, le foot a acquis une renommée verticale qui, désormais, atteint le haut comme le bas, du PDG au chômeur, du vieux au jeune, des hommes aux femmes. Aujourd'hui, c'est simple, je le verrouille pour la prochaine décennie, en partant du sommet.» D'autres frappent à la porte (Ebel, Dior, Louis Vuitton) et entendent monter les clameurs - le dernier Arsenal - Manchester a mobilisé un milliard de téléspectateurs dans le monde.

Directeur général de MU, David Gill ne s'opposera pas au mariage du faste et de la tradition, malgré quelque conservatisme britannique: «Je suis très heureux de ce nouveau partenariat, le quatrième depuis le début de la saison. En période de crise, j'y vois un signe...»

Depuis son rachat par l'homme d'affaires américain Malcolm Glazer qui, après quatre ans, n'a toujours pas assisté à un seul match, Manchester United entre dans l'ère du foot-business avec précaution, dans la subtile alchimie du réalisme économique et de l'empathie populaire. Son chiffre d'affaires annuel atteint le montant record d'un milliard de francs, soit l'équivalent de son endettement. Bientôt, le club perdra son partenaire principal, AIG, premier groupe mondial d'assurance avant la crise des «subprime» et sa nationalisation par l'Etat américain. Le contrat avec Manchester portait sur 40 millions de francs annuels.

Pour vingt fois moins, Hublot s'offre une vitrine au théâtre des rêves, où le temps est conté depuis cent ans. Jean-Claude Biver y est entré mercredi soir, accompagné de collaborateurs et de journalistes du monde entier. Il a véhiculé son optimisme contagieux de banquets en officialités, étreint les caciques de Manchester United comme de vieux copains de fac - Sir Bobby Charlton en est encore tout secoué - et brandi sa vision entrepreneuriale avec lyrisme, en portant les vertus de l'excellence, du partage et du travail à des niveaux stratosphériques. «Jean-Claude, tu peux faire les speaches de motivation à ma place», a souri Sir Alex Ferguson, manager de Manchester United.

L'âme de Hublot, forcément, n'est pas peu fière: «Il y a quatre ans, nous étions une petite entreprise qui accusait des pertes. Aujourd'hui, nous entrons dans le temple.» Qu'à Dieu ne plaise.

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